Au XVIIIème siècle, il était de bon ton de donner des fêtes pharaoniques en l’honneur des personnes influentes à qui l’on voulait graisser la patte ou démontrer allégeance.

Les riches organisateurs se contentaient de financer la bringue tout en laissant le soin à leur gens de régler les menus détails organisationnels.
Fritz Karl Watel, un maître d’hôtel Suisse excellait en ce domaine.
Connu en France sous le nom de François Vatel, le bonhomme ne ménageait ni sa peine ni ses subordonnés pour ravir les convives de l’excellence de ses prestations.

D’ailleurs, Fouquet le dispendieux ministre des finances du roi Louis XVI ne jurait que par Vatel pour organiser ses fastueuses réceptions.
Pour preuve, le degré de luxe de raffinement des banquets montés par le génialissime Suisse était tel que lorsque le roi fut invité, celui-ci envoya illico Fouquet en disgrâce devant cet étalage de moyens que lui-même n’avait pas.

Faut quand même pas déconner avec les finances publiques.

Le chômage ne durant jamais pour les hommes d’excellence, le maître d’hôtel fut vite repris au service de Louis II de Bourbon-Condé (dit le « grand » Condé) dans son domaine de Chantilly.
(Ne cherchez plus, la fameuse crème c’est VATEL !)
Le grand Condé pratiquait régulièrement l’art de la réception, et comme Fouquet l’avait fait avant lui il décida d’inviter Louis, histoire de lui cirer un peu les pompes.
On n'est jamais assez généreux lorsqu’il s’agit de se redorer le blason : trois jours de fête au somptueux château de Chantilly, spectacles en tout genre, feux d’artifice, plus de 600 courtisans, d’innombrables serviteurs ainsi qu’une foule de curieux et de pique-assiettes.

Le challenge était sérieux : émerveiller le roi pour que le grand Condé revienne dans ses petits papiers.
Autant dire que Vatel était sous pression :
Il gère à fond, ne loupe rien, fait preuve d’une étonnante ubiquité.
Mais le pauvre homme manque de sommeil, se trouve dans un état de stress intense !
Les jours et les services défilent, la vaisselle s’empile, les carcasses s’amoncellent.
Déjà, le souper du jeudi avait contrarié le maître car certaines tables avaient manqué de rôtis.
Hors de question que cela se reproduise : il passe la nuit à sermonner, engueuler et contrôler les prestations du lendemain.
Vatel n’en peut plus.
Au petit matin, à bout, sa tension atteint un paroxysme lorsqu’il constate que la maudite poiscaille du déjeuner n’est pas encore arrivée de Boulogne!

Excédé, humilié, fou de rage et de désespoir il monte dans sa suite et se transperce le corps de trois coups d’épée.

Pourtant, Vatel avait fait à Chantilly la démonstration d’une maîtrise inégalée de l’art de l’intendance. Le roi Louis XIV en était témoin. La poiscaille de Boulogne aussi (elle arriva quelques minutes après la mort du maître d’hôtel).

La terrible histoire de Watel

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